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  • Photo du rédacteurDamien Lefranc

ITW Le Moniteur, BIM manager, une profession pour les curieux

Dernière mise à jour : 27 mai 2020


 

Le passage à la maquette numérique crée une nouvelle fonction de coordinateur dans le BTP. Ces professionnels au large éventail de savoir-faire sont très recherchés par les employeurs.


« Le BIM manager est le chef d'orchestre en maquette numérique du projet : il n'est pas l'auteur de la composition, ne joue pas d'instruments, mais il dirige les musiciens, les synchronise, et s'assure qu'ils exécutent correctement leur partition. En somme, il veille à la bonne interprétation du morceau », décrit Olivier Celnik, directeur du mastère spécialisé « BIM : conception intégrée et cycle de vie du bâtiment et des infrastructures » - co-piloté par l'Ecole des Ponts ParisTech (ENPC) et l'Ecole spéciale des travaux publics, du bâtiment et de l'industrie (ESTP) - et, par ailleurs, architecte associé de Z.Studio.


Plus concrètement, le BIM manager met en place le processus BIM ( building information modeling ) et coordonne les échanges de données entre les intervenants sur une construction. Il développe également la politique BIM en interne, au sein d'un cabinet d'architecture, d'un bureau d'études ou encore d'une entreprise de construction. « A mon sens, la personne qui travaille chez un maître d'ouvrage n'est pas BIM manager, mais référent BIM, ou, en externe, assistant à maîtrise d'ouvrage BIM », précise Olivier Celnik. Le BIM management est une fonction jeune : on a observé les premières créations de postes dans l'Hexagone il y a à peine cinq ans. « Sous l'impulsion de certains maîtres d'ouvrage, qui avaient imposé la maquette numérique dans leur projet à titre de test, des entreprises ont dû s'emparer du sujet car elles avaient besoin de coordination sur le BIM en interne, mais aussi avec la maîtrise d'œuvre », retrace Pascal Loisel, directeur du développement Assistance et Patrimoine immobilier, chargé des activités BIM chez Socotec.


Précurseur, le groupe Legendre a recruté son premier BIM manager pour les travaux de la ligne B du métro de Rennes, qui ont commencé en 2014. « Ce projet entièrement conçu sous maquette numérique nous a conduits à accélérer le mouvement, à une époque où l'on commençait à parler du BIM », évoque Guillaume Beghin, son DRH. Seules sont concernées, à ce jour, les majors et les grosses PME du secteur. « Les deux tiers des entreprises du BTP ne sont pas encore sur la maquette numérique : de nombreux postes de BIM manager vont encore être créés », évalue ainsi Pascal Loisel.


Une fonction aux contours mouvants. Il en va autrement côté maîtrise d'œuvre. « Les agences d'architectes et les bureaux d'études ne peuvent, quels que soient leurs effectifs, se passer de cette fonction, qui est la clé du bon déroulement d'un projet pluridisciplinaire », rapporte Emmanuel Di Giacomo, responsable du développement des écosystèmes BIM chez Autodesk. Ses contours sont en outre appelés à évoluer. « Il existe actuellement des BIM managers surtout en conception et en réalisation, reprend Pascal Loisel. L'extension du BIM à la phase d'exploitation démarre tout juste. » Si la fonction est protéiforme, les voies d'accès le sont aussi - même si aujourd'hui la majorité des BIM managers sont architectes de formation. De nombreux employeurs forment leurs salariés en interne. « Nous initions à cette fonction certains de nos ingénieurs. Nos nouvelles recrues déjà expérimentées dans le BIM ont parfois aussi besoin d'être formées car elles sont souvent issues du bâtiment, où l'approche diffère de celle des infrastructures, dans laquelle nous sommes spécialisés », illustre Sylvie Cassan, directrice du projet BIM chez Systra. Une chose est sûre : « Pour devenir BIM manager à la sortie d'une école, il faut, au minimum, consacrer son projet de fin d'études à la maquette numérique, prévient Marie Bagieu, directrice des études à l'Ecole supérieure d'ingénieurs des travaux de la construction (Esitc) Caen. Tous nos élèves vont acquérir des compétences en BIM. Mais devenir BIM manager demande aussi de l'expérience. »


Stratégie professionnelle. Chloé Clair, directrice de l'ingénierie de Vinci Construction, ne dit pas autre chose. « Certains jeunes se figurent qu'ils vont exercer cette fonction à l'issue de leurs études. Or, un bon BIM manager est un jeune conducteur de travaux ou un ingénieur technique qui a passé deux ou trois ans sur un chantier ou en études. » Dans le même ordre d'idées, le mastère spécialisé « BIM » de l'ENPC-ESTP s'adresse principalement à des professionnels qui ont en moyenne une dizaine d'années de pratique, et qui le suivent donc dans le cadre de la formation continue. « Les jeunes diplômés qui sont également accueillis doivent attester d'un minimum d'expérience, et d'une stratégie professionnelle définie », indique Olivier Celnik. A la clé de ce cursus de 400 heures, un diplôme à forte valeur ajoutée sur un CV. De quoi fournir aux employeurs, dans leur réponse à un appel d'offres, la preuve de leur maturité en matière de maquette numérique.


C'est aussi l'objet de la certification d'utilisateur du BIM que lance Socotec (lire ci-contre, p. 12) . Une formation continue pour les professionnels souhaitant devenir BIM managers ouvrira par ailleurs ses portes à la rentrée de janvier 2019 à l'Ecole nationale supérieure d'architecture de Saint-Etienne (Ensase). « Un cursus important, car cette fonction requiert à la fois des compétences métier, techniques et humaines », souligne Lionel Ray, enseignant à l'Ensase. « Sur le plan technique, le BIM manager doit notamment gérer l'interopérabilité entre les applications utilisées par les différents intervenants. Il est garant du respect des règles imposées et de la qualité des livrables lors de la transmission de la maquette numérique au maître d'ouvrage. »


Des qualités humaines indispensables. Loin d'être cantonné à la maîtrise du processus BIM et des outils, ce professionnel au cœur des interactions se doit d'être pédagogue. « Un bon BIM manager doit posséder des qualités en matière de relations humaines : en interne, il communique auprès de personnes de différentes équipes et transmet ses connaissances, et il fait collaborer les intervenants à un projet et doit ainsi les fédérer. Cette qualité de communication s'avère encore plus primordiale vis-à-vis de l'externe », développe Emmanuel Di Giacomo. « Il s'agit également d'avoir une appétence pour la veille technologique, se tenir informé de l'actualité à l'étranger, et être capable de comprendre l'anglais lu », complète Jean-Noël Burnod, directeur des systèmes d'information au sein d'Ateliers 2/3/4. Autant de compétences qui sont de plus en plus convoitées sur le marché de l'emploi. « Ces deux dernières années, la fonction de BIM manager s'est précisée : les employeurs l'ont inscrite dans leurs grilles de postes, et leurs demandes sont désormais mieux définies », note Anaïs Mathy, manager exécutif chez Michael Page.


Parallèlement, les CV des candidats sont aussi mieux renseignés. « Nous sommes en veille perpétuelle, mais les BIM managers restent assez rares. D'autant plus pour nous, présents à l'international, qui recherchons des candidats maîtrisant l'anglais », pointe Odile Chaumont, DRH d'Arcadis. « Les employeurs veulent surtout des professionnels de niveau bac + 5, avec cinq ans d'expérience sur le BIM », observe Taïna Teheiura, consultante en recrutement chez Fed Construction. Avec une difficulté : les BIM managers en poste, requis par le défi que représente le projet qu'ils sont en train de construire, ne sont pas toujours tentés par une nouvelle aventure à l'extérieur. En tout cas, les candidats sur le marché, conscients de leur valeur, se montrent particulièrement exigeants en matière de rémunération. Jean-Noël Burnod, qui constate ainsi « une nette hausse des salaires à l'embauche depuis un an », se dit prêt à consentir des efforts « si la personne n'est pas junior ».


Les BIM managers trouvent leur place dans des organisations qui varient selon les structures. Chez Arcadis par exemple, ils officient dans chaque ligne d'activité (infrastructures, bâtiment, environnement), avec cependant le projet d'évoluer à terme vers des rôles et des fonctions transversales. Chez Ateliers 2/3/4, ils travaillent au sein de la direction des systèmes d'information. Le groupe Legendre, quant à lui, a récemment créé une cellule préconstruction regroupant les pôles « méthodes », « synthèses », et « modélisation », où exercent des BIM managers.


Un métier qui va muter. Ce profil va se transformer à moyen terme. « Les besoins vont évoluer, jusqu'à ce que, d'ici à cinq ans peut-être, tous les professionnels montent en compétence sur le BIM, et puissent collaborer de manière autonome, prédit Pascal Loisel. Dans le cadre de la digitalisation que va connaître le secteur, le BIM management évoluera vers une fonction de management de la donnée (BIM data). » D'autres nouvelles tendances, comme l'intelligence artificielle, la conception assistée par ordinateur ou la réalité augmentée, pourraient influer sur les métiers du BTP. « Le BIM management n'est ainsi qu'une étape vers l'émergence de postes en lien avec les nouvelles technologies qui vont faire irruption sur les chantiers », conclut Chloé Clair.


Une profession pour les curieux


"L'un des intérêts de la fonction de BIM manager est sa diversité, et la richesse des domaines d'applications", estime Damien Lefranc, BIM coordinateur chez Legendre. Car on retrouve cette fonction aussi bien dans des entreprises de construction que dans des cabinets d'architectes ou chez des industriels. De quoi occuper pleinement une carrière. C'est une séjour de deux mois, organisé en 2013 dans le cadre d'un workshop entre l'ESITC Caen et une université partenaire au Danemark, qui convainc Damien Lefranc de consacrer son projet de fin d'études au BIM. Mais l'entreprise qui l'accueille en apprentissage n'est pas prête à mettre cette méthode en place. Il intègre le groupe Legendre en 2014, après avoir décroché son diplôme. "Je me suis formé sur le terrain, avec l'aide d'un collègue plus expérimenté. Chez Legendre, on peut visualiser la maquette numérique par l"intermédiaire de la réalité virtuelle. Peut-être cela sera t-il le cas, un jour, avec la réalité augmentée. Le BIM management est à mes yeux un domaine épanouissant. Les missions de veille technologique permettre de "rester dans le coup", ce qui enrichit ma vie personnelle. C'est un métier pour les curieux ! La création de cette fonction dans le BTP étant très récente, mon expérience me permet déjà d'enseigner le BIM management dans des écoles d'ingénieures ou en IUT. Il faudrait d'ailleurs former tous les niveaux, à partir du BAC, aux bases de logiciels de modélisation les plus utilisés, comme Revit."


@Caroline Gitton, Le Moniteur | le 06/04/2018

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